Retraites : les députés LREM enchaînent les maladresses

Sourcewww.huffingtonpost.fr


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Sur fond d’enlisement et d’obstruction, les députés de la majorité n’échappent pas aux critiques et tendent parfois le bâton pour se faire battre…

“Il y en a un paquet qui sont à la masse”. Voilà comment un collaborateur parlementaire de droite, qui n’en est pas à sa première législature, décrit la situation. Dans son viseur, “de nombreux” députés LREM qui, selon ses dires, ne seraient pas au niveau du débat sur les retraites qui arrive, ce 28 février, à son douzième jour dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale.

Il faut dire, comme vous pourrez le voir dans la vidéo ci-dessous, que les députés de la majorité, secoués par une obstruction “de barricades parlementaires”, comme l’a surnommée le député LREM Bruno Bonnell, ont parfois tendu le bâton pour se faire battre. Entre une responsable du groupe de travail sur les retraites, Corinne Vignon, qui bafouille au mois de juillet 2019 pour défendre le bien-fondé du projet de loi jusqu’au lapsus de la rapporteure Cendra Motin qui parle d’un “grand bond en arrière”, sans oublier les saillies souvent maladroites de son collègue Nicolas Turquois, les “bourdes” largement relayées sur les réseaux sociaux ont souvent éclipsé le fond d’un débat de toute façon très dur à mener tant il est complexe.

“Incompétence”

Dans les couloirs du Parlement, certains ne cachent plus leur désarroi quant à ce qu’ils nomment “l’incompétence” des députés En Marche sur le dossier des retraites. “Ils ne savent pas de quoi ils parlent, par moment on hallucine !”, murmurait au HuffPost une collaboratrice parlementaire de gauche cette semaine. “Ils sont à côté de la plaque, les plafonds annuels de la sécurité sociale, ils ne savent pas ce que c’est; la caisse autonome des avocats, même chose! Qu’on soit pour ou contre, on pourrait avoir des débats de vision, mais ils ne sont pas au courant…”, souffle un assistant parlementaire LR chevronné qui se revendique de l’ancien monde”.

Officiellement, les langues, et notamment celles des députés, sont plus polies: “Je ne fais le procès de personne car le sujet est d’une extraordinaire complexité”, temporise par exemple Boris Vallaud, du groupe Nouvelle Gauche, auprès du HuffPost. “Il y a 30 spécialistes en France sur le sujet, le texte est incomplet et l’étude d’impact ne permet pas d’analyser les conséquences de cette réforme. Ils ont du mal à la défendre car c’est une réforme foutraque”, tranche l’élu des Landes.




Même ton à droite. “Si le texte avait été suffisamment bien préparé en amont, si on connaissait les implications financières, si Delevoye avait fait son travail, on n’en serait pas là”, observe à son tour Annie Genevard, vice-présidente LR de l’Assemblée nationale. Du haut du Perchoir, où elle préside régulièrement les débats, elle confirme ce que pense son collègue socialiste : “Les députés LREM non plus n’ont pas tous les éléments pour juger de l’application de ce texte, il est mal conçu et il est mal né”.

“Je ne peux pas entendre ce procès, nos députés travaillent et maîtrisent le sujet”, défend de son côté l’une des collaboratrices du groupe En Marche à l’Assemblée nationale. “En revanche, le débat n’est pas serein, ça c’est clair. On dénonce l’obstruction depuis le début et on continue à le faire. Alors oui, il y a eu un lapsus, et alors ? Quant au rapporteur, il s’est excusé”, évacue-t-on.

“Notre expertise est pointue car on représente la société civile. Hier, un avocat est intervenu, une infirmière, un agriculteur: c’est la force du changement que nous incarnons: nos vies antérieures”, défend également Bruno Bonnell qui assure que les oppositions ne s’attaquent pas au fond de la réforme, ce qui n’est pas totalement exact comme nous l’avons écrit à plusieurs reprises. “Leur seule arme, c’est de dire qu’on ne connaît pas l’article 100 alinéa 4 du règlement de l’Assemblée nationale. Ok, on peut nous reprocher ça, mais on ne peut pas nous reprocher de ne pas connaître la vie”, avance encore l’ancien chef d’entreprise très engagé sur le dossier depuis le début.

C’est en effet un reproche qui leur est adressé depuis le début du quinquennat et qui se poursuit à l’aune de ce projet de loi sur les retraites: leur “amateurisme”, dont Emmanuel Macron leur a donné la permission d’être “fier” après une polémique sans fin sur le congé de deuil pour enfants qui a encore une fois mis au jour le manque de fluidité des échanges entre la majorité parlementaire et le gouvernement.

″Les outils législatifs, ils ne connaissent pas non plus… ça fait trois ans quand même !” peste encore notre assistant parlementaire de droite qui ne comprend pas pourquoi pêle-mêle, “ils n’ont pas utilisé le temps programmé, ils n’utilisent pas l’article 44-2 de la constitution et ils ne font rien pour surmonter l’obstruction”, y voyant même une stratégie de “pourrissement” des débats. “Ils tentent de plus en plus de nous provoquer pour générer des clashes et préparer le terrain du 49-3”, abonde une source parlementaire du gauche. L’ancien monde décidément de plus en plus phase.




Cet article 44-2, utilisé par la gauche au moment du mariage pour tous en 2013, permet de raccourcir les débats en refusant d’examiner les amendements qui n’ont pas été vus en commission. “C’est un sous 49-3”, décrypte Annie Genevard pour qui cet article n’en a “que les inconvénients”, comprendre museler l’opposition sans pour autant faire adopter le texte.

“Nous nous sommes opposés à cet article 44-2 en tant que députés, confirme Bruno Bonnell, Ce n’est pas au gouvernement de décider des amendements qui sont discutés ou pas. Soit on discute de tout, soit c’est 49-3”, résume-t-il.

“Quant au temps programmé (qui aurait permis d’éviter l’obstruction en ne laissant que quelques heures à chaque groupe, NDLR), c’est un choix délibéré, justement, de ne pas y recourir afin de laisser les oppositions s’exprimer compte tenu de l’importance de ce texte”, rapporte Bruno Bonnell qui estime que “les agresseurs” sont les insoumis et les communistes et non pas le groupe En Marche. “C’est surtout qu’il fallait attendre six semaines et qu’ils ne voulaient pas de vote après les municipales”, rétorque le collaborateur parlementaire de droite.

Personne ne peut dire ce que deviendra le texte

Personne ne peut dire aujourd’hui que deviendra le texte. Le groupe En Marche est divisé quant à l’utilisation du 49-3 et le Premier ministre assume le fait de ne pas donner ses intentions au jour le jour. “J’ai longtemps hésité entre frapper vite ou plus tard, maintenant je suis pour laisser l’absurdité de l’obstruction se révéler et montrer leur vrai visage aux Français”, explique Bruno Bonnell, incapable lui aussi de prévoir une porte de sortie.

“La vérité, c’est que les députés ne savent pas ce que va faire le gouvernement, le gouvernement d’ailleurs ne le sait sans doute pas non plus”, suppose Annie Genevard. Contacté, le ministère des Relations avec le Parlement n’a pas donné suite.

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